Aujourd’hui je vais vous parler de ce qui, je pense, m’a amenée à être artiste. Je ne suis pas psychologue, ceci ne reflète que ma propre vision des choses, mon propre vécu, associé à mes lectures et mes recherches sur mes propres traumas. Je ne me pose pas en personne qui sait, mais en personne qui ressent. C’est pourquoi j’ai intitulé cet article Art, traumas, catharsis.
J’espère que vous trouverez dans ce témoignage quelque chose qui fait écho en vous, ou qu’il attisera votre curiosité.
Une enfance troublée, la naissance des traumas
Lorsque j’étais adolescente, je voulais être écrivain ou artiste peintre. Depuis très jeune, j’ai toujours eu des choses à dire, comme si un immense univers était contenu dans ma tête et voulait en sortir. J’avais même plus que des choses à dire, en fait, j’avais l’impression que ma tête allait exploser si ce qui était dedans n’en sortait pas. Et pour supporter ça, j’entrais souvent dans un état où je ne faisais rien. Je m’allongeais sur mon lit des après-midis entiers. J’essayais de survivre à un état interne insupportable.
Une vie chaotique, l’art comme rocher
Alors, ne sachant pas comment faire, comment supporter ça, j’ai vécu plusieurs vies, en essayant de trouver du sens, de la sérénité, de l’apaisement. J’ai voyagé malgré moi, ballotée par une vie que je ne maîtrisais pas, j’ai été femme de ménage, garde d’enfants, technicienne de laboratoire, infographiste, développeuse informatique, et même été libraire, pendant une semaine. J’ai vécu dans plusieurs villes de France, en Angleterre, en Belgique. Je suis devenue maman, j’ai travaillé dans plus d’une dizaine de société, je me suis accrochée à la vie et à la normalité pour essayer de calmer ma tempête intérieure.
Quand l’art et les traumas se rejoignent
Puis, comme la normalité ne me conventait pas, j’ai tout envoyé valser. J’ai plaqué mon ancienne vie, et l’alternance de moments de vie intense et de repli sur mois à augmenté un temps, au point que j’ai reçu un diagnostic de bipolarité.
Et j’ai décidé d’être moi. J’ai été artiste peintre.
Puis j’ai créé une société, et sorti un jeu vidéo narratif.
Je pensais avoir trouvé une sorte de refuge, loin des autres, dans mon monde. Je croyais que j’avais trouvé une sorte d’apaisement. Pas tous les jours, pas tout le temps. Mais des fois. Après 36 ans d’errances et de souffrances, c’était devenu vivable.
Et pourtant…
Un retour en arrière
…récemment, le cauchemar a recommencé. Je n’arrive pas à générer assez de revenu avec mon art et je dois me confronter de nouveau à la réalité et à la normalité.
Lorsque je passe trop de temps à me conformer à la normalité, à me confronter à la réalité, faire les courses, le ménage, chercher un emploi pour pouvoir manger, j’ai de nouveau l’impression que ma tête va exploser si ce qui est dedans n’en sort pas. Et je revis ces longues périodes étranges de vide où je ne fais rien, où je n’ai envie de rien, où mon corps ne peut pas bouger. Je ne suis pas vraiment mal, ou du moins pas tout le temps. Simplement, mon corps ne veut rien faire. Même quand mon cerveau veut. Ce n’est pas de la flemme, de la fatigue. Je ne PEUX pas.
J’ai aussi été replongée dans mes démons d’enfance, que j’avais oubliés, par la force des choses. Des obligations familiales. Mais cette fois-ci, l’adulte qui a grandit a décidé de tout balancer aux gens avec qui j’ai du interagir. La famille, le personnel de soin. J’ai arrêté de me taire en me disant que j’avais un problème, j’ai dis mon ressenti. Et il a été accepté, entendu. Cela ne m’était jamais arrivé auparavant.
Le début d’un renouveau, peut-être ?
Alors j’ai avancé. J’ai découvert grâce à l’aide de ma psychiatre et d’une amie psychologue que cet été où mon corps ne voulait rien faire même quand mon esprit le souhaitait était probablement un état de sidération. L’état de sidération est apparemment dû à un choc traumatique. Je passe certains détails car ils seraient trop longs à expliquer ici, mais ma réflexion m’a amené à penser que c’est un traumatisme d’enfance, maintenu part certaines expériences professionnelles malheureuses, qui provoquent cet état de sidération.
Je n’ai pas accès à la partie de mon psychisme où s’est caché ce traumatisme, même si j’en perçois quelques bribes. Mes souvenirs d’enfance m’aident. J’ai quelques bouffées d’anxiété où je perçois quelques idées, quelques mots, quelques peurs. J’essaye de les capter pour en faire ressortir l’information. C’est infime, mais c’est une piste.
Je vous ai exposé tout cela pour en venir à ma vision actuelle de mon besoin d’expression irrépressible qui m’a conduit à peindre pour m’exprimer et, en même temps, à finalement me sentir artiste. Au-delà de la technicité, certaines de mes toiles sont de véritables messages.
Art, traumas, catharsis, là où j’en suis
J’ai réalisé cela grâce aux événements violents psychiquement que j’ai vécu l’été dernier, et qui m’ont replongée dans mon passé. Je pense maintenant que ce besoin intolérable de sortir ce qu’il y a en moi au moyen d’images est dû à un ou plusieurs traumatismes, car je n’ai pas eu, jusqu’ici, la possibilité d’avoir accès à ces traumas. Comme ils ne sont pas verbalisés, mais qu’ils sont intolérables, il semble être impérieux pour moi par moment de les exprimer. Comme un trop-plein. C’est ça, où l’état de sidération. D’où l’alternance entre moments de vitalité et de création intense – l’impression de vivre à 300% – et les moments de sidération dépressive.
J’ai souvent entendu dire que j’étais « trop ». Je l’entends encore. Alors j’ai décidé de m’éloigner systématiquement des personnes qui trouvent que je devrais être autrement.
Je dois me réapproprier mon propre fonctionnement. Je ne suis pas « trop ». Je suis. C’est tout.