Comment j’évite l’angoisse de la page blanche… ou pas
Une des choses les plus difficiles, je pense, quand on est créatrice ou créateur (de contenu, écrivain, peintre, ou tout autre créatrice/créateur) est de gérer ce moment où on reste devant son support d’expression favori et que celui-ci reste totalement blanc. Je ne suis pas dans la tête des autres, mais apparemment certains créateurs ne connaissent pas l’angoisse de la page blanche. Et c’est une force. Je m’efforce depuis de longues années de trouver un remède contre cette angoisse.
Après des années de pratique, et de page blanche, de création et de combat contre mes démons, je pense que le mythe de l’artiste qui a de l’inspiration – ou pas – est une bien jolie histoire… basée sur des croyances erronées. La croyance qu’on ne peut pas accéder, non pas à l’inspiration elle-même, mais à ce qui bloque l’inspiration, et qu’on ne peut pas aider, passer outre, trouver des arrangements qui permettent d’éviter le blocage me semble être ce qui maintient l’illusion que l’inspiration vient seulement quand elle le veut.
Loin de moi l’idée de dire que cela est facile. Loin de moi l’idée de dire qu’il n’y a jamais rien dans l’art qui relève un peu du mystique, au sens de profondeur insondable de l’être humain. Je dis simplement que, lorsqu’on est sujet à cette angoisse, on peut avancer, progresser, s’aider soi-même afin que cette angoisse de la page blanche revienne de moins en moins.
Car, pour ma part, créer n’est pas une option. C’est un besoin. Et l’angoisse de la page blanche, une torture.
Mes « tips » pour contourner l’angoisse de la page blanche
Alors voilà, depuis de nombreuses années je m’évertue à trouver de petits hacks pour aider mon cerveau à contourner la difficulté. J’en ai trois principaux, en fonction de ce que j’appellerais mon « état de blocage ».
Le premier, quand le blocage n’est pas total, est de commencer petit. Juste commencer. Ne pas vouloir faire l’oeuvre ou l’écrit du siècle. Ne pas s’encombrer l’esprit, ne pas mettre la barre trop haut. Si je veux écrire, le fait d’allumer l’ordinateur, de prendre un papier et un crayon, est la première petite étape. Si je veux peindre, sortir de quoi faire un croquis, poser ses idées. Puis se lancer dans quelque chose. Si je n’ai pas d’idée, alors juste dessiner un rond sur un papier, puis un petit paysage, me permet de lâcher prise. Mon esprit commence alors à divaguer de lui-même. Et le processus s’enclenche.
Mais quelquefois le blocage est plus sérieux. Même démarrer petit est inconcevable. Alors, plutôt que de rester devant une page blanche, je fais une activité physique. Le mieux, c’est d’aller marcher. En marchant, l’esprit se libère et les idées fusent. Pas forcément les bonnes idées, parfois mon cerveau tourne en boucle sur un événement de ma semaine. Mais c’est toujours mieux que de rester à l’arrêt.
Et lorsque le blocage est total, me direz-vous ? Ce n’est pas la peine de lutter. Lorsque je lutte, le blocage persiste et je rentre dans une spirale de culpabilisation qui accroît le problème. J’ai compris, après de nombreuses années, que dans ces cas-là, je devais faire totalement autre chose. M’occuper à des tâches ménagères, ou me faire plaisir en prenant un café et des gâteaux secs, ou n’importe quoi d’autre qui demande le minimum d’effort. Cela permet de désamorcer l’angoisse, et de reprendre à la phase 1 : commencer petit.
Et maintenant, l’étape supérieure
Depuis peu, j’ai compris que je devais aller encore plus loin. J’ai toujours pensé, jusqu’ici, que c’était mon esprit qui dirigeait le process. J’ai donc appris ces techniques, bien qu’un peu bancales, pour aider mon esprit. Mais il semblerait que le blocage va plus loin, comme je l’ai évoqué dans l’article précédent « Art, traumas, catharsis ».
Il semblerait que, lorsque je suis en état de blocage total, c’est mon corps qui ne veut pas avancer. Que mon esprit n’y peut rien. C’est l’état de sidération dont je parlais dans ce précédent article.
L’étape suivante, aujourd’hui, pour moi, afin de contourner cette angoisse de la page blanche, c’est donc bien de trouver un moyen de faire ressortir à l’état conscient des croyances imprimées dans mon corps depuis mon plus jeune âge. La croyance que je suis inadéquate. Que tout ce que je fais ne sert à rien. Ce genre de croyance. Mon esprit conscient arrive à réguler ces pensées, mais mon corps ne les énonce jamais verbalement. Il ne me reste plus qu’à transformer l’angoisse latente en un état conscient, à lui permettre de s’exprimer en mots.
Un grand programme, mais j’y crois. Si vous avez des tips, vous aussi, pour avancer plus sereinement, n’hésitez-pas à nous faire partager dans les commentaires !
Art, traumas, catharsis
Aujourd’hui je vais vous parler de ce qui, je pense, m’a amenée à être artiste. Je ne suis pas psychologue, ceci ne reflète que ma propre vision des choses, mon propre vécu, associé à mes lectures et mes recherches sur mes propres traumas. Je ne me pose pas en personne qui sait, mais en personne qui ressent. C’est pourquoi j’ai intitulé cet article Art, traumas, catharsis.
J’espère que vous trouverez dans ce témoignage quelque chose qui fait écho en vous, ou qu’il attisera votre curiosité.
Une enfance troublée, la naissance des traumas
Lorsque j’étais adolescente, je voulais être écrivain ou artiste peintre. Depuis très jeune, j’ai toujours eu des choses à dire, comme si un immense univers était contenu dans ma tête et voulait en sortir. J’avais même plus que des choses à dire, en fait, j’avais l’impression que ma tête allait exploser si ce qui était dedans n’en sortait pas. Et pour supporter ça, j’entrais souvent dans un état où je ne faisais rien. Je m’allongeais sur mon lit des après-midis entiers. J’essayais de survivre à un état interne insupportable.
Une vie chaotique, l’art comme rocher
Alors, ne sachant pas comment faire, comment supporter ça, j’ai vécu plusieurs vies, en essayant de trouver du sens, de la sérénité, de l’apaisement. J’ai voyagé malgré moi, ballotée par une vie que je ne maîtrisais pas, j’ai été femme de ménage, garde d’enfants, technicienne de laboratoire, infographiste, développeuse informatique, et même été libraire, pendant une semaine. J’ai vécu dans plusieurs villes de France, en Angleterre, en Belgique. Je suis devenue maman, j’ai travaillé dans plus d’une dizaine de société, je me suis accrochée à la vie et à la normalité pour essayer de calmer ma tempête intérieure.
Quand l’art et les traumas se rejoignent
Puis, comme la normalité ne me conventait pas, j’ai tout envoyé valser. J’ai plaqué mon ancienne vie, et l’alternance de moments de vie intense et de repli sur mois à augmenté un temps, au point que j’ai reçu un diagnostic de bipolarité.
Et j’ai décidé d’être moi. J’ai été artiste peintre.
Puis j’ai créé une société, et sorti un jeu vidéo narratif.
Je pensais avoir trouvé une sorte de refuge, loin des autres, dans mon monde. Je croyais que j’avais trouvé une sorte d’apaisement. Pas tous les jours, pas tout le temps. Mais des fois. Après 36 ans d’errances et de souffrances, c’était devenu vivable.
Et pourtant…
Un retour en arrière
…récemment, le cauchemar a recommencé. Je n’arrive pas à générer assez de revenu avec mon art et je dois me confronter de nouveau à la réalité et à la normalité.
Lorsque je passe trop de temps à me conformer à la normalité, à me confronter à la réalité, faire les courses, le ménage, chercher un emploi pour pouvoir manger, j’ai de nouveau l’impression que ma tête va exploser si ce qui est dedans n’en sort pas. Et je revis ces longues périodes étranges de vide où je ne fais rien, où je n’ai envie de rien, où mon corps ne peut pas bouger. Je ne suis pas vraiment mal, ou du moins pas tout le temps. Simplement, mon corps ne veut rien faire. Même quand mon cerveau veut. Ce n’est pas de la flemme, de la fatigue. Je ne PEUX pas.
J’ai aussi été replongée dans mes démons d’enfance, que j’avais oubliés, par la force des choses. Des obligations familiales. Mais cette fois-ci, l’adulte qui a grandit a décidé de tout balancer aux gens avec qui j’ai du interagir. La famille, le personnel de soin. J’ai arrêté de me taire en me disant que j’avais un problème, j’ai dis mon ressenti. Et il a été accepté, entendu. Cela ne m’était jamais arrivé auparavant.
Le début d’un renouveau, peut-être ?
Alors j’ai avancé. J’ai découvert grâce à l’aide de ma psychiatre et d’une amie psychologue que cet été où mon corps ne voulait rien faire même quand mon esprit le souhaitait était probablement un état de sidération. L’état de sidération est apparemment dû à un choc traumatique. Je passe certains détails car ils seraient trop longs à expliquer ici, mais ma réflexion m’a amené à penser que c’est un traumatisme d’enfance, maintenu part certaines expériences professionnelles malheureuses, qui provoquent cet état de sidération.
Je n’ai pas accès à la partie de mon psychisme où s’est caché ce traumatisme, même si j’en perçois quelques bribes. Mes souvenirs d’enfance m’aident. J’ai quelques bouffées d’anxiété où je perçois quelques idées, quelques mots, quelques peurs. J’essaye de les capter pour en faire ressortir l’information. C’est infime, mais c’est une piste.
Je vous ai exposé tout cela pour en venir à ma vision actuelle de mon besoin d’expression irrépressible qui m’a conduit à peindre pour m’exprimer et, en même temps, à finalement me sentir artiste. Au-delà de la technicité, certaines de mes toiles sont de véritables messages.
Art, traumas, catharsis, là où j’en suis
J’ai réalisé cela grâce aux événements violents psychiquement que j’ai vécu l’été dernier, et qui m’ont replongée dans mon passé. Je pense maintenant que ce besoin intolérable de sortir ce qu’il y a en moi au moyen d’images est dû à un ou plusieurs traumatismes, car je n’ai pas eu, jusqu’ici, la possibilité d’avoir accès à ces traumas. Comme ils ne sont pas verbalisés, mais qu’ils sont intolérables, il semble être impérieux pour moi par moment de les exprimer. Comme un trop-plein. C’est ça, où l’état de sidération. D’où l’alternance entre moments de vitalité et de création intense – l’impression de vivre à 300% – et les moments de sidération dépressive.
J’ai souvent entendu dire que j’étais « trop ». Je l’entends encore. Alors j’ai décidé de m’éloigner systématiquement des personnes qui trouvent que je devrais être autrement.
Je dois me réapproprier mon propre fonctionnement. Je ne suis pas « trop ». Je suis. C’est tout.